Considérations économiques

Considérations économiques

Premier point, qui peut sembler évident mais qu’il est toujours important de rappeler : tout faire pour éviter un gâchis, des dépenses pour un jardin se retrouvant peu ou pas du tout fréquenté, peu ou pas du tout investi par les professionnels, etc.

Éviter un tel gâchis. Non seulement parce que l’argent ne court pas les rues des établissements de prendre-soin. Mais également parce qu’un projet-jardin délaissé ne cause pas qu’une perte d’argent : il crée aussi de fortes pertes d’énergie, de confiance, d’envie de faire de nouveaux projets, chez toutes les personnes, résidents, professionnels, familles, financeurs…

Donc, la première recommandation en ce domaine : vraiment bien travailler sur les conditions pour qu’un jardin thérapeutique ne soit pas un gadget : qu’il soit attirant, investi, vivant, pérenne, etc. Une grande partie de ces conditions figurent dans les pages de cette rubrique, Les jardins thérapeutiques, et en particulier dans les pages de la sous-rubrique consacrée à la démarche participative de création (et de conduite) du jardin.

Ne pas sous-estimer…

Après, il existe des investissements financiers à ne pas sous-estimer : la situation du jardin implique parfois de gros travaux de départ, et le mobilier, les végétaux, les matériaux, etc., ont un coût non négligeable (même s’il existe une grande variété de pratiques et de contraintes, et des jardins économiquement plus modestes que d’autres et tout aussi, voire plus réussis !).

A cela s’ajoutent quelques contraintes spécifiques, normes et préconisations, notamment en matière d’accessibilité et de sécurité des usagers. Les négliger, là encore, comporte un risque très important : on a vu des jardins vides parce que trop inconfortables, ne permettant de pas se sentir en sûreté, de se reposer aussi souvent que nécessaire, etc. (Rappelons cette étude Suisse qui avait montré très précisément, il y a quelques années, dans les quartiers étudiés, qu’au-delà d’une certaine distance entre deux bancs, un nombre non négligeable de personnes ne sortaient plus de chez elles pour aller faire leurs courses, voir des amis, etc.).

Et toutes ces dépenses-là ne doivent pas manger tout le budget… car elles permettent de ne constituer que la base (un jardin accessible et sûr). L’essentiel est ensuite qu’il soit attirant, qu’il donne envie aux professionnels d’y créer et d’y mener des activités (notamment thérapeutiques), qu’il donne envie aux usagers et à leurs proches d’y venir, d’y rester, d’y agir, d’y rêver, etc. A tout le monde, qu’il donne envie de l’investir, d’en faire un lieu important.

Comme l’écrit la paysagiste Servane Hibon-Marty : « Le rôle du paysagiste s’inscrit dans ce contexte pour accompagner la direction dans l’élaboration du projet. Il doit alors proposer un plan cohérent qui répond à ces besoins fonctionnels et esthétiques afin d’en faire un lieu de vie aussi beau que sécurisant.
Le jardin “thérapeutique” ne peut donc pas se résumer à un simple mobilier planté. Il faut penser l’aménagement de l’ensemble des espaces extérieurs. On privilégie des aménagements plus spécifiques pour les espaces fréquentés au quotidien (potagers adaptés, terrasses, pergola…), par rapport à des interventions plus légères sur les espaces nécessitant moins d’entretien (prairies permanentes, prairie fleurie, nichoirs, verger…).
Chaque aménagement peut ainsi se faire par phases, de façon progressive en fonction des moyens et des ressources. A chaque jardin son budget, selon qu’il s’agisse d’une reprise ou d’une création complète. »

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Faut-il vraiment planter si grand (et si cher) ? Beaucoup de végétaux, plantés petits, coûtent moins chers, poussent mieux et plus vite, et rejoignent en quelques années leurs frères plantés déjà grands…

Ne pas surestimer…

Difficile en effet d’indiquer ce que serait le budget-type d’un jardin thérapeutique tant cela peut varier en fonction de la situation, du contexte, de la surface, des objectifs, etc. Le budget d’un jardin varie aussi fortement en fonction du type de jardin, du type d’entretien – un entretien classique est coûteux, un entretien basé sur des pratiques d’éco-jardinage l’est beaucoup moins –, en fonction de la capacité des usagers (et de leurs proches, bénévoles, partenaires…) à s’en occuper, au moins en partie, etc.

« Parfois, ajoute Servane Hibon-Marty, l’établissement a le budget, le plus souvent il est insuffisant. Là encore, le paysagiste peut accompagner la structure en participant au montage d’un dossier cohérent et réaliste : création de visuels, dossiers écrits, devis estimatifs détaillés, calendrier, carnet de références. La direction dispose alors des outils efficaces pour trouver des moyens complémentaires : solutions de financements (subventions, mécénats…), mise en place de partenariats (associations, entreprises…) pour que le projet puisse se développer et vivre dans la durée. »

Au sujet du financement, quatre précisions :

=> Les demandes de financement auront plus de facilité à se faire entendre quand elles mettront notamment en valeur les intérêts et avantages thérapeutiques du jardin : prévention et diminution de certains symptômes, réduction de troubles (du comportement par exemple) impliquant temps et énergie à gérer pour les professionnels, amélioration de la qualité de vie (du sommeil, de l’appétit, etc.), diminution de la durée de séjour…
Bref, tout ce que les évaluations de ces jardins, les études, heureusement de plus en plus nombreuses, montrent (voir cette page qui en synthétise quelques unes, et cette page qui en référence beaucoup). Il est essentiel de s’appuyer sur elles !

=> Les petits budgets ne doivent pas décourager :

  • ils conduisent souvent à mobiliser en interne des ressources précieuses (et tant mieux même si certains éléments du jardin sont bricolés, fabriqués, par des usagers, leurs proches, des partenaires, etc.)
    • L’un des principes de la permaculture est précisément de s’appuyer sur les ressources locales, sur ce que produit le jardin, sur les compétences de ceux qui le fréquentent, etc., pour élaborer des éléments, des solutions n’impliquant pas les coûts écologiques et économiques de ce qui est acheté, fabriqué loin, avec des matériaux inconnus, transportés… Ensuite, c’est une question de choix : vaut-il mieux une bordure de massif, ou une barrière : réalisée (par les usagers ou proches) en récupérant ces branches d’acacias coupées chaque année par le service “espace vert” de la ville dans un espace proche… ou achetée toute faite, issue d’une forêt détruite à huit mille kilomètres ? [Quoi prend soin de qui et de quoi ?]
  • ils peuvent nous amener plus modestement et réalistement à concevoir le jardin par étapes. Et toute une partie du jardin peut être pendant quelques années prairie fleurie ou sous-bois d’observation… avant qu’on l’investisse autrement le jour où se sera possible (pour autant que ce soit souhaitable 🙂

=> Ne jamais oublier, quand on ne peut seul réaliser un tel jardin, de voir comment le réaliser à plusieurs. Selon les situations, deux établissements peuvent se mettre ensemble, ou un établissement et une commune peuvent ensemble penser un jardin où une partie sera communale, ou une partie peut être un jardin partagée avec une association, etc. A chaque partenariat, partage du budget, des tâches, ressources nouvelles…

=> Enfin, sur ce sujet du financement, Isabelle Boucq a consacré en 2016, sur son précieux blog Le bonheur est dans le jardin, une série d’articles très intéressants :

Financer un jardin de soin : quelques conseils

Financer un jardin : conseils d’une pro de la philanthropie

Financer un jardin : Paule Lebay raconte

Financer un jardin : conclusion

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